Par Baba Mustapha Sayed
Il faut de prime abord l’affirmer, pour enlever tout équivoque et ne laisser subsister nul doute ni dans les cœurs ni dans les esprits : aucune raison au monde, aucune de quelle nature que ce soit, ne peut justifier, ni hier, ni aujourd’hui ni demain, la trahison des siens au profit de leur ennemi. Et c’est assurément ce que vient de faire Ahmedou ould Suelem en se rendant aux autorités marocaines la semaine dernière; autorités marocaines qu’il a combattues, faut-il le rappeler, avec détermination et détermination, aux côtés de son peuple, pendant plus de trois décennies.
En voyant sur leurs petits écrans, le nationaliste et fier Ahmedou faire le baisemain au monarque marocain, signe d’une pitoyable soumission à l’anachronique et moyenâgeuse monarchie alaouite, qui d’entre les Sahraouis ne s’est pas senti révulsé, profondément humilié lui-même et rageusement atteint dans ce qu’il pourrait avoir de plus cher pour lui, sa dignité ?
Quel est le Sahraoui qui a entendu Ahmedou ânonner pitoyablement, avec un sourire crispé et une mine affectée, le discours propagandiste, usé et grossier, du Makhzen, et qui ne s’est pas considéré rageusement révolté par cette facilité et cette aisance déconcertantes, qu’éprouvent certains membres de l’élite sahraouie à « tourner leurs vestes » à brûler ce qu’ils ont, hier, religieusement adoré et défaire, allégrement, ce qu’ils ont patiemment mis des années à tisser . J’éprouve de réelles difficultés à comprendre comment Ahmedou avait soutenu, par conviction et des années durant, que les autorités d’occupation marocaines constituent l’obstacle rédhibitoire devant toute émancipation de son peuple, et au bout de quelques mois de sordides marchandages avec les bourreaux de ce dernier, estimer, après avoir obtenu quelques petits et honteux privilèges, que ces mêmes forces d’occupation sont, au Sahara Occidental, chez elles et qu’elles y sont donc les bienvenues ?
Il faut certainement faire appel à des psychologues pour diagnostiquer et guérir cette folle et irrésistible tendance au suicide qui semble s’emparer, depuis quelques années, d’une partie de nos cadres qui paraissent pleinement disposés à vendre leurs âmes au plus offrant et résolus à ne plus considérer la cause de leur peuple que comme une marchandise à monnayer en contrepartie de petits et mesquins privilèges personnels.
Cela dit, ayant mesuré la sincère rage et profonde déception d’Ahmedou et connu, pour l’avoir côtoyé, ces derniers temps, de très près, les raisons réelles et supposées de son amertume, je dis, en m’adressant aux dirigeants du Front Polisario, qu’il est temps, qu’ils sortent de leurs « bulles », changer de styles et de politiques, et s’atteler à la tâche urgente de refonder, encore qu’il est possible de le faire, leur mouvement sur de nouvelles bases et selon de nouveaux paramètres et critères qui tiendraient prioritairement compte des compétences et des aptitudes dans l’accomplissement des missions et des tâches assignées et non des appartenances tribales ou ethniques.
Ce sont là quelques unes des conditions requises pour l’édification d’un État stable, solide et fort qui soit en mesure de se faire craindre de ses ennemis et respecter de ses amis.
Enfin, je tiens à rappeler aux candidats futurs au suicide, au cas où ils l’auraient oublié, que les oiseaux, pour préserver leur dignité et fierté, se cachent pour mourir.
09.08.09
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