1.12.09

LE RÊVE NE DOIT PAS ÊTRE SUSPECT

par Salah Khatri

Depuis des siècles, le peuple Sahraoui a commencé sa lutte pour l’Indépendence. Ce lent cheminement dans l’esprit des hommes a apporté des idées de justice, de liberté. Le peuple Sahraoui n’est pas un peuple de terroristes, ni de missionnaires, ni le diable, ni le mal, c’est un peuple digne qui s’est battu avant-hier contre la France et l’Espagne, hier contre le Maroc et la Mauritanie, aujourd’hui, depuis l'occupation par les autorités marocaines du Sahara Occidental le 31 octobre 1975, contre le Maroc. Le peuple Sahraoui souffre d'une politique de répressions, de détentions abusives, d’enlèvements, de tortures et d'intimidations, de violations des droits de l'Homme, de traitements cruels, d’une justice inéquitable qui organise des procès fictifs d’opinion devant des tribunaux militaires d’un autre âge, d’intimidations de tout ordres sur les plus faibles, de chantage à l’emploi, aux aides, à la poursuite des études, de spoliation des richesses naturelles sahraouies.

Le prix de la lutte pour l’indépendance s’est révélé toujours lourd, l’occupation, l’exil, l’injustice, c’est un drame insupportable et nous sommes prêts à donner encore et encore.
Depuis 1992, le peuple Sahraoui a déclenché l’intifada, une résistance pacifique intérieure que l’autorité Marocain lui interdit d’exprimer.

Depuis quelques semaines des situations sont presque caricaturales, mais pas vraiment nouvelle dans la politique d’escalade pratiquée par la Maroc vis-à-vis du peuple Sahraoui.

Des situations qui pourront avoir des conséquences négatives sur le processus de négociation entre le F. Polisario et le Maroc, s’il n’y a pas des réponses claires sur plusieurs actes précis :

- l’enlèvement des sept activistes sahraouis des droits humains à l’aéroport de Casablanca,
- l’assignation à résidence de six autres, interdits de déplacement, dont une jeune fille malade qui devait poursuivre des soins médicaux à Barcelone.

Il s'agit d’ Ali Salem Tamek, président par intérim du Rassemblement des défenseurs sahraouis des droits de l'Homme, Brahim Dahane, président de l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'Homme (ASVGDH) perpétrées par l'Etat marocain au Sahara occidental et de Hamadi Nasseri, secrétaire général du Comité sahraoui de défense des droits de l'Homme à Smara (Sahara occidental). Il s'agit également de Yahdih Ettarouzi, défenseur sahraoui des droits de l'Homme, Saleh Labihi, président du Forum sahraoui de protection de l'enfance au Sahara occidental, Rachid Sghir, membre du Comité sahraoui contre la torture et de Mme Dakja Lashgar, membre du Comité de coordination de l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'Homme.

- Le 6 novembre 2009, le roi du Maroc a prononcé un discours agressif comportant des menaces directes envers les citoyens sahraouis et niant la légalité internationale.
- La nouvelle loi interdisant aux étrangers de visiter les militants sahraouis des territoires occupés
- La militante sahraouie des droits de l’homme, Aminetou Haidar arrêtée et déportée de force le Samedi 14/11/2009 vers l’île de Lanzarote (archipel des Canaries) par les autorités marocaines, avec la complicité du gouvernement espagnol. Elle a entamée une grève de la faim à l’aéroport.
- Une délégation espagnole composée de représentants du Gouvernement autonome d'Aragon et du parti de la gauche unie (Isquierd unida) a été empêchée par la police marocaine de rencontrer un groupe de militants sahraouis des droits humains à la ville occupée d'El Aaiun.

Il y a deux façons de défendre l’indépendance ou bien on fait une guerre militaire, ou bien une lutte pacifique tout en étant disponible pour la cause, en se battant quotidiennement pour faire progresser la justice et les droits de l’homme. Depuis quelques années dans la zone occupée, il y avait tant de dévouement, tant de courageux combattants pour la liberté et la justice.

La noblesse de notre lutte doit pouvoir donner des réponses à ceux qui chaque jour investissent leur énergie dans l’action pacifique. Ceux-ci doivent y retrouver les réponses aux interrogations qui sont cœur de leur lutte, comment être efficace ? Comment décider et agir ? Comment se bagarrer contre le temps et la complexité ? Notre cause est vivante grâce à l’engagement de ces milliers militants, souvent anonymes, qui la servent avec passion. Cette lutte prendra toute sa place, avec les moyens qui sont les siens, plus décidé que jamais à servir sereinement son objectif qu’il soit atteint par l’action militaire ou pacifique.

Le peuple Sahraoui est victime de la complicité qui existe entre l’Espagne et le Maroc.
Si la France est pro-marocaine par choix économique et historique ou par intérêts personnels de certains hommes puissants du pouvoir, l’Espagne, elle, par contre est pro-marocaine par obligation. La position espagnole sur question du Sahara Occidental est une position ambiguë, il y a là, à la fois, une appréciation politique et une visée idéologique, trop d’apostasies et d’erreurs ont marqué l’histoire du parti socialiste espagnol concernant le peuple Sahraoui. Le discours mensonger de Philipe Gonzales 1976 au campement réfugié Sahraoui, marquait déjà une première ambiguïté, ajouté à la position de son gouvernement après son arrivé au pouvoir, adoptant un silence complice. Le soutien économique et politique du gouvernement Zapatero soutenant le Maroc dans sa politique de colonisation ou Sahara occidental prolonge aujourd’hui ces premières erreurs.

Rien n’est plus frappant que l’éloignement progressif du PSOE de l’histoire et des valeurs socialistes, aujourd’hui sa position montre bien que les limites de la raison sont dépassées, voir niées, tout cela n’avait aucun sens pour les militants et leur engagement avec le peuple Sahraoui. Ce paradoxe dont la caricature pose problème est une situation concrète et exige des solutions pratiques.

L’expulsion de la militante sahraouie des droits de l’homme, Aminetou Haidar est finalement une victoire claire pour le peuple Sahraoui et son combat pacifique dont la trace n’est pas effacée quel que soit le temps et la complicité des un et des autres. Cette résistance est légitime et symbolise la vie et la détermination de notre peuple.

Entamer une grève de la faim est la seule solution lorsqu’il n’existe plus de lieu où la voix puisse s’exprimer, où la justice n’existe plus, où la violence et la brutalité des services policier Marocain réussit à laisser indifférents les pouvoirs démocratiques. et où l’humiliation des militants du PSOE par l'offre du ministre espagnol des Affaires étrangères, M. Miguel Angel Moratinos, de propose a Aminetou Haidar le statut de réfugiée en Espagne ou la nationalité. L’acte de la grève de la faim, a lui permet à la fois de manifester la clarté de sa pensée et démontrer la richesse des son expérience personnelle.

La seule façon de s’en sortir, la meilleure réponse à donner à M. Moratinos, c’est de refuser d’entrer dans un débat juridique pour rester dans le débat politique. L’exil du peuple Sahraoui, la colonisation du Sahara Occidental par le Maroc, l’intifada dans la zone occupée, les prisonniers Sahraouies dans les prisons Marocaines, l’arrestation des défenseurs des droits de l’homme au Sahara Occidental, sont des questions politiques de la responsabilité du gouvernement espagnol.

Aujourd’hui, le peuple Sahraoui, les défenseurs du droit du l’homme sont en danger. Les femmes et les hommes libres et démocrates dans le monde ont le droit et le devoir d’intervenir dans la défense des droits du peuple Sahraoui. Parce qu’il faut bien en revenir aux certitudes simples et claires qui justifient notre existence, expliquer pourquoi nous sommes ce que nous sommes. Pourquoi nous combattons, et depuis si longtemps.

Le peuple Sahraoui compte sur tous ses amies pour cette lutte, pour être entendu dans le monde entier, pour témoigner de sa souffrance, mettre en valeur et nourrir l’immense courage de ses enfants. Tous ceux qui ont contribué à aider le peuple sahraoui peuvent être fiers du travail accomplit. Il faut maintenant le poursuivre, d’abord, dans le domaine médiatique, en témoignant de la vie quotidienne des Sahraouis dans la zone occupée. Il faut aussi continuer la réflexion sur la poursuite juridique des dirigeants Marocains impliqués dans le drame du peuple Sahraoui et des sociétés commerciales exploitant les richesses du Sahara occidental.

Les démocrates dans le monde ne peuvent se satisfaire de cette situation et des solutions proposées par le ministre des affaires étrangères espagnol qui veut rendre à chaque homme la maîtrise de son destin. Il faut condamner et rejeter toutes ces formes d’oppression. Nous sommes tous responsables de ce qui se passe aujourd’hui. Les démocrates espagnols, notamment se doivent de demander des comptes au gouvernement socialiste espagnol.

Nous vivons aujourd’hui à l’aéroport de l’île de Lanzarote (archipel des Canaries), une anecdote au regard de l’histoire, mais l’histoire est-elle autre chose qu’une succession d’actes individuels allant dans le même sens marquant chacune leur emprunte sur le temps ? L’histoire, c’est nous tous qui la bâtissons, à nous de prendre le risque d’affirmer le sens que nous voulons lui donner.

L’engagement est indispensable pour les militants, et leur rôle est d’agir pour protéger les individus de la violence physique que sécrète, jour après jour, le gouvernement Marocain qui méprise, ignore, haï la dignité de la personne humaine. C’est une politique irresponsable où il n’y a pas de place ni pour le droit des Sahraouis ni pour les Marocains.

A vous militants démocrates de faire comprendre a l’autorité Marocaine que le respect de la dignité de la personne est un droit et un devoir fondamental. N’attendez pas que la situation soit inacceptable pour intervenir. Il ne faut pas rester immobile, et attendre le prochain évènement qui nous fera trembler comme des spectateurs innocents. C’est en développant la capacité à défendre les droits du peuple Sahraoui, en se battant politiquement que le monde démocratique serait le mieux capable de défendre ses valeurs. Ses valeurs et ses idées ne sont rien sans cette volonté de les faire entrées dans la réalité.

Les Sahraouis ont le devoir de faire vivre leurs droits, de se battre pour les faire naître, les mettre en place correctement dans la justice et la liberté. Cependant, il ne faut pas oublier que la guerre reste un horizon possible même pour ceux qui la refuse.

Nous avons la conscience du futur, la volonté du progrès, la responsabilité de nos enfants, l’espoir d’un monde meilleur, et nous ne pouvons pas rester passifs comme si ce qui se passe aujourd’hui était un simple spectacle d’où nous pourrions nous éclipser à la tombée du rideau. Nous en sommes tous les acteurs, c’est nous qui souffrons ou mourons si la pièce est mal écrite, ou mal jouée. La fin ne peut être que l’Indépendance, la liberté et la justice.

La liberté est un désir utile pur et légitime, et la vie, nous n’en avons qu’une. Pour nous, sahraouie, elle restera sacrifiée jusqu’à l’Indépendance.

SALAH KHATRI
skhatri@wanadoo.fr
01.12.09
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