22.12.16

L’ACCORD DE LIBÉRALISATION INTERVENU ENTRE LE MAROC & l'UE NE S'APPLIQUE PAS AU SAHARA OCCIDENTAL

 par Maître Takioullah Eidda

Dans l'affaire des accords conclus en 2012 entre le Maroc et l'UE, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de rendre un arrêt d'une simplicité déconcertante pour l'opinion publique internationale et d'une rationalité paralysante pour le Maroc.

Tout d’abord, la CJUE affirme que l’accord de libéralisation intervenu entre le Maroc et l’Union Européenne n’inclus pas le Sahara Occidental dans son champ d’application.

De plus, elle y ajoute que puisque le territoire du Sahara Occidental jouit d’un statut séparé du Maroc, en vertu de la Charte des Nations-Unies et du principe d’autodétermination des peuples, il est de facto exclut de l’expression «territoire du Royaume du Maroc».

Partant de ce constat, le statut du F.Polisario ou son intervention dans le débat devant la Cour est tout simplement sans objet!

"La Cour constate tout d’abord que, compte tenu du statut séparé et distinct garanti au territoire du Sahara occidental en vertu de la charte des Nations Unies et du principe d’autodétermination des peuples, il est exclu de considérer que l’expression « territoire du Royaume du Maroc », qui définit le champ territorial des accords d’association et de libéralisation, englobe le Sahara occidental et, partant, que ces accords sont applicables à ce territoire.

Ensuite, il ressort de la pratique internationale que, lorsqu’un traité a vocation à s’appliquer non seulement au territoire souverain d’un État mais également au-delà, ce traité doit le prévoir expressément, qu’il s’agisse d’un territoire se trouvant sous la juridiction de cet État ou bien d’un territoire dont l’État en question assure les relations internationales. Cette règle s’oppose donc elle aussi à ce que les accords d’association et de libéralisation soient jugés applicables au Sahara occidental.

Enfin, après avoir rappelé le principe de l’effet relatif des traités en vertu duquel un traité ne doit ni nuire ni profiter à des tiers sans leur consentement, la Cour expose que, compte tenu de l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en 1975 au sujet du Sahara occidental à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, le peuple de ce territoire doit être regardé comme un tiers susceptible d’être affecté par la mise en œuvre de l’accord de libéralisation.

Or, en l’occurrence, il n’apparaît pas que ce peuple ait consenti à ce que l’accord soit appliqué au Sahara occidental.

Quant au fait que certaines clauses des accords d’association et de libéralisation ont été appliquées « de facto » dans certains cas aux produits originaires du Sahara occidental, la Cour constate qu’il n’est pas établi qu’une telle pratique soit le fruit d’un accord entre les parties visant à modifier l’interprétation du champ territorial de ces accords.

En outre, une prétendue volonté en ce sens de l’Union impliquerait d’admettre que celle-ci a entendu exécuter les accords d’une manière incompatible avec les principes d’autodétermination et de l’effet relatif des traités ainsi que de l’exigence de bonne foi découlant du droit international.

Ayant conclu que l’accord de libéralisation ne s’applique pas au territoire du Sahara occidental, la Cour annule l’arrêt du Tribunal qui était parvenu à la conclusion inverse et décide de statuer elle-même sur le recours introduit par le Front Polisario.

À cet égard, elle constate que, dès lors que l’accord de libéralisation ne s’applique pas au Sahara occidental, le Front Polisario n’est pas concerné par la décision par laquelle le Conseil a conclu cet accord.»

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Maroc a essayé, encore une fois, de noyer et de déformer le statut juridique du Sahara Occidental, en tant que territoire soumis au principes de la résolution 1514 de 1960 de l'ONU, en le passant sous silence.

Mais en ce 21 décembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a trouvé l'occasion de démontrer que la manoeuvre marocaine est non seulement dolosive, mais aussi que son statut juridique dans ce territoire est celui d’une "puissance occupante".

Maître Takioullah Eidda,
avocat
Montréal, Canada.
eidda.avocat[at]eidda.ca
22.12.16
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