En écrivant ces lignes, loin de moi l’intention de blesser quiconque, surtout pas les proches du sujet, à qui je présente, encore une fois, mes condoléances les plus attristées.
Car, en dépit de sa personne, feu Mohamed Abdelaziz fut le Secrétaire générale du F.Polisario sur une période de 41 ans! À ce titre, il est de facto imputable devant le peuple du Sahara Occidental et, bien sûr, devant l'histoire.
Certes, il doit y avoir du respect pour l’homme, surtout quand celui-ci est passé dans l'au-delà (rahmatou Allahou allaa mowtanaa we aleih).
Mais, rien n’empêche de faire la somme et la synthèse de ses actes posés ici bas, et ce, en dégageant les erreurs qu’il aurait commises, le tout dans le but d’évaluer son règne, de dégager sa contribution et, enfin de compte, tirer les conclusions, bien que toujours subjectives, qui s’imposent à cet égard.
Il faut souligner ici que Mohamed Abdelaziz était le premier des secrétaires généraux du F.Polisario à se propulser à la tête de ce mouvement dans sa période, que je qualifie «d’âge d’Or».
En effet, tous les éléments convergeaient vers son succès éminent:
- Mobilisation générale à l’intérieur du territoire et dans les camps des réfugiés;Malheureusement, et c’est là où le bas blesse, Mohamed Abdelaziz n’a pas été lui même à la source de son élection, lors du troisième Congrès de 1976, à la tête du F.Polisario. Autrement dit, il n’a jamais pensé, ni cherché à être le SG du F.Polisario. C’est une fonction qu’on lui a tout simplement imposée, à dessein, et dans laquelle il fut parachuté sans crier gare!
- Attachement indéfectible de tous les sahraouis à la lutte armée et son corolaire, le sacrifice;
- Fermeté et générosité des pays alliés;
- Faiblesse et démoralisation des forces de l’ennemi;
- Compassion et solidarité de l’opinion publique internationale;
- Clivage idéologique caractérisé par l’opportunisme stratégique lié à la «guerre froide».
Pour y voir plus clair, revenons un peu en arrière.
Après la mort de El Welly (yarhmou) le 9 juin 1976, deux personnes ont pris les rênes des préparatifs du troisième Congrès du mois d'août 1976 et de son ordre du jour: Omar Hadrami et Bachir Mustapha Sayed (frère d’El Wely, yarhmou).
Hadrami et Bechir se sont concertés durant ce congrès afin de positionner, à tous les niveaux de la hiérarchie du mouvement, les principaux «pions» qui vont leur permettre d’asseoir leur pouvoir et ainsi atteindre leurs objectifs, soit celui de prendre le contrôle absolu du mouvement: les affaires extérieures pour Hadrami et les affaires intérieures pour Bechir.
À cette fin, ils sont allés chercher Mohamed Abdelaziz pour le trôner Secrétaire Général du F.Polisario (chef du Conseil de la révolution). Sahraoui inconnu, venant du Sud du Maroc, il fut le représentant du F.Polisario à Tindouf durant toute la période de la clandestinité (1973-1975).
Tellement connu dans cette ville, dans laquelle il possédait cousins et autres membres de sa famille, qu’il épousa sa cousine, Khadija Hamdi, fille de Hamdi Ould Abdellah, Maire de Tindouf depuis l'indépendance de l'Algérie.
Bachir et Hadrami ont aussi imposé au Comité exécutif un certain Sidi Ahmed El’Batal, natif de Tindouf, à qui ils ont confié la «Sécurité militaire et politique».
La désignation surprenante de Mohamed Abdelaziz a été faite au détriment de Mahfoudh Ali Beiba (Yarhmou), alors Secrétaire général-adjoint, désigné SG par intérim suite à la mort de El Welly (Yarhmou). Mahfoud, était le seul à pouvoir se vanter d'être le «Grand» militant, le fils et le ressortissant de la ville d'El Aïoun, au cœur du Sahara Occidental. Son malheur venait du fait qu'il était «idéaliste», isolé au sein du Comité exécutif du mouvement, voire tout simplement naïf, à l’indifférence, et sans ambition personnelle.
Comme souhaité par notre duo, voire à leur initiative, Mohamed Abdeaziz a pris du temps, beaucoup de temps, pour intégrer sa fonction de SG du F.Polisario. Tellement, il n’était pas préparé, pas à l’aise et surtout pas outillé! Outre ces défaillances, à l’opposé de son prédécesseur El Welly (yarhmou), il lui manquait «l’intuition» politique et «l’instinct» de leadership!
Fort de la sympathie générale dont il jouissait suite à la mort de son frère, dans les circonstances qu'on connait, Bachir Moustapha Sayed s'était lui-même imposé comme Secrétaire Général Adjoint chargé de la permanence du F.Polisario.
Car, cette position stratégique, avec l'absence quasi permanente de Mohamed Abdelaziz dans la sphère militaire, a permis à Bechir de mettre la main sur toutes les affaires intérieures du mouvement, sa coordination, et à se faire parachuter, au besoin, auprès de son ami, Hadrami, aux affaires extérieures, et ce, en prenant la tête d'une importante délégation à l'étranger ou dans des négociations cruciales, comme ça été le cas dans le processus de paix avec la Mauritanie en 1979.
Quant à Oumar Hadrami, outre le fait qu’il s’était imposé comme membre du Conseil de la révolution, il a mis la main sur le poste clef, soit celui de responsable du Comité des affaires extérieures du F.Polisario à Alger, chargé de toute la coordination avec les autorités algériennes.
Tous les problèmes du F.Polisario ont commencé à partir de cette période et de cette configuration imposée, voire improvisée, suivant des critères essentiellement sentimentaux, au détriment de toute compétence et en l’absence d’une véritable concertation.
Et comme ont dit, quand le chat est absent, les souris dansent.
Bachir a pris sur lui, et avec lui, Sidi Ahmed El’Batal pour contrôler toutes les affaires du F.Polisario et ses membres, à l’intérieur et à l’extérieur des camps de réfugiés, y compris Hadrami lui-même, ce que celui-ci n’a jamais accepté, déclarant une guerre ouverte à Bachir, allant même jusqu’à refuser de participer aux réunions!
Apparaît alors les premiers clivages et dissensions au sein de la direction du F.Polisario. Ces divisions reposaient essentiellement sur des sympathies et des alliances de nature tribales, facteur identitaire jusque-là tabou, voire banni au regard des fondements et principes du F.Polisario.
En évitant de prendre position en faveur de l’un ou de l’autre des clans en confrontation, Mohamed Abdelaziz, bonasse comme il était, a tout simplement joué à l’autruche, laissant, sans le prévoir, le problème pourrir et se transformer en «tumeur cancéreuse» qui finira par atteindre tous les organes du mouvement, lesquels vont s’effondrer avec la crise de 1988.
Cette crise a démontré plus que jamais, le manque de leadership de Mohamed Abdelaziz et son incapacité d’imposer son autorité aux «faucons» de la tendance «autoritaire et sécuritaire» dirigée par Bachir et son instrument Sidi Ahmed El’Batal. Mieux, cette crise a fait voler en éclats le mythe de la cohésion révolutionnaire et la conduite irréprochable de ses dirigeants.
Réveillé au beau milieu de ce cauchemar, Mohamed Abdelaziz prend un virage à 380 degrés, sans aucune forme de transition ou de concertation. Tellement il voulait réparer les injustices commises, au nom et au sein de la «révolution», qu’il enfonce le clou, devenu apparent, dans le sens contraire.
Tout d’abord, il fait le vide autour de lui, en décapitant le mouvement de sa direction «historique»: Hadrami injecté à Washington, Brahim Ghali à Madrid, Bachir, Ayoub Lehbib et Mohamed Lemine Ould Ahmed au néant … etc. D’ailleurs, Hadrami et Ayoub ont rallié le Maroc peu de temps après. Les autres ont encaissé.
Puis, Mohamed Abdelaziz remplace les membres de la direction «historique» par des subalternes dociles, sans envergure, corvéables à volonté et, surtout, sans opinion ni ambition. Et les congrès du F.Polisario vont se suivre et se ressembler en fonction de cette misérable réalité, le tout dernier de 2015 en est la confirmation.
Seuls les éléments originellement de Tindouf, comme Sidi Ahmed El’Battal et Mohamed Lemine Ould Bouhali, ont gardé la proximité intime de Mohamed Abdelaziz dans des postes clefs comme la «défense» et les «infrastructures». Ils sont renforcés dans cette confiance par la désignation de sa propre femme, Khadija Hamdi, au poste de «ministre de la culture», avec tous les moyens de communications sous la main: télévision, radio et presse écrite.
Et comme cerise sur le gâteau, la signature des accords de «cesser le feu» sous l’égide de l’ONU!
Et voilà ! Bienvenu au tout «nouveau F.Polisario», confectionné sur mesure, en fonction d’un projet machiavélique, mais qui ne dit pas son nom: «pédaler pour rester sur place vita eternam».
Quant à tous les autres, militants, soldats ou citoyens, la porte est ouverte et la bénédiction est donnée: enrichissez-vous comme vous le pouvez, car dorénavant, chacun pour soi et Dieu pour tous !
Noyée dans le carcan et le circuit onusien, la cause sahraouie se trouve alors au point mort. Je dirais au point de départ, tellement les choses n’ont pas bougé d’un iota depuis 41 ans.
Pourtant, suivant la déclaration du 20 mai, des milliers de Sahraouis et de Mauritaniens ont pris les armes au sein de l’armée de libération sahraouie, pour combattre les colonialistes espagnols, puis les agresseurs maroco-mauritanien, dans le but d’imposer la volonté du peuple sahraoui de décider de son destin.
Parmi ces combattants, le très regretté El Welly Mustapha Sayed (Yarhmou). Une grande partie de ces combattants valeureux sont partis sur le front de bataille pour y laisser leurs vies, avec la certitude irréversible que le combat armé ne cesserait qu’après l’indépendance de ce territoire ou l’exercice par son peuple de son libre choix. Aujourd’hui, ils doivent tous, à commencer par El Welly, se tourner dans leurs tombes. Car, depuis trente (30) ans, aucune balle n’a été tirée sur le front par un quelconque combattant du F. Polisario!
Rangées et rouillées, les armes ont laissé place aux réceptions diplomatiques, au commerce et aux faux-semblants. Pire, elles ont laissé au Maroc le confort de s’installer, de s’organiser et de s’imposer, de fait, en attendant la résurrection improbable d’un nouveau «El Welly Mustapha Sayed».
La majorité des Sahraouis sont toujours là, sardinés dans les camps de réfugiés, sous la protection des algériens, lesquels montrent aujourd’hui des signes d’impatience et de saturation évidents.
D’autres sont éparpillés à travers le monde, de Cuba à l’Australie, apatrides et privés de combattre pour libérer leurs pays.
Quant à ceux qui sont dans les territoires occupés par le Maroc, ils ne sont pas mieux. Gdeïm Izik en est la preuve de leur désarroi. Désarroi devant lequel le leadership de Mohamed Abdelaziz a lâchement répondu «ABSENT».
Un leadership du F. Polisario qui continu à dire, sur 41 ans, que la cause est sur la bonne voie; que les négociations avec le Maroc finiront par assoir l’indépendance du peuple sahraoui, et, que le tout, est juste une question temps, comme si 41 ans ne sont pas assez!!
Aujourd’hui, en 2016, le peuple sahraoui est orphelin, sans leadership, laissé pour compte, abandonné à ses ennemis charognards et utilisé comme source de légitimation d’un groupuscule de Tindouf, sans aucune perspective ni vision nationale et qui ne connaît du Sahara Occidental que le nom !
Comme on dit, «le retour à la vérité est une double vérité (El roujou illa alhaghi haghan)». Il est temps de mettre les pendules à l’heure. Il est temps de revenir à l’essentiel, revenir au principe originel: mettre un terme aux souffrances du peuple sahraoui, en le libérant, ou le laissant, sérieusement et librement, décider de son destin.
Maître Takioullah Eidda, avocat
Montréal, Québec
quebec171[at]gmail.com
07.06.16
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