Notre réalisme ne peut se conjuguer avec le leur

par Baba M. Sayed

A entendre les différents commentaires des officiels marocains et les mercenaires sahraouis à leur solde, au lendemain de l’adoption par le conseil de sécurité de son énième résolution sur la question du Sahara Occidental, l’on se rend parfaitement compte que le Royaume marocain, loin de vouloir trouver une solution « réaliste » au conflit qui l’oppose depuis plus de trois décennies au Front Polisario, ne poursuit qu’un seul et unique objectif, celui de faire durer le plaisir de son occupation du territoire sahraoui et de forcer par l’usure le peuple sahraoui à se faire hara-kiri.
A voir les ministres marocains défiler, avec une assurance et une confiance en soi qui ne laissent aucune place au doute, devant les écrans de télévisions pour se féliciter de ce qu’ils considèrent comme la «nouvelle position » récemment adoptée par le conseil de sécurité, après celle du secrétaire général des Nations unies et de son représentant bien spécial, l’on ne peut que se demander de quelle position s’agit-il.
Les officiels marocains et leurs suppôts du Corcas quand ils avancent que le Conseil de sécurité a soutenu leur projet d’autonomie pour le Sahara Occidental entendent-ils par là le même Conseil de sécurité des Nations unies ou font-ils référence à un autre Conseil occulte dont ils sont les seuls â connaître l’existence ? Les officiels marocains et leurs agents sahraouis de service lisent-ils, comme nous, les textes à la lumière des significations courantes des lettres de l’alphabet ou ont-ils une manière bien propre à eux de les lire, de les comprendre et d’en saisir le sens ?
Ce sont là quelques-unes des questions que se sont légitimement posés des spectateurs sahraouis qui ont eu à s’intéresser, au cours des derniers jours, à la façon dont les officiels marocains ont interprété les termes de la résolution 1813 du Conseil de sécurité. Et il est vrai qu’à prendre les choses au premier degré, l’on peut que juger fondée leur scepticisme devant les lectures qui leur ont été présentées et partager, de prime abord, leur étonnement quant à la propension toute naturelle des serviteurs de sa majesté à prendre allégrement des écarts avec les faits et travestir la vérité.
Il n’en demeure pas moins vrai que les autorités marocaines ont de sérieuses raisons de se montrer aussi triomphantes.
Si, en effet, le Conseil de sécurité n’a pas ouvertement et officiellement avalisé la proposition marocaine d’autonomie, il ne l’a pas non plus, comme on pourrait s’y attendre, négligé ou ignoré. Il en a pris bonne note, allant jusqu’à la considérer comme « sérieuse et crédible » tout en prenant le soin, par ailleurs, de ne pas se montrer aussi chaleureux s’agissant de la proposition qui lui a été présentée par le F. Polisario.
Il est vrai que contrairement aux souhaits des autorités marocaines, le Conseil de sécurité n’a pas omis de réaffirmer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Mais faut-il oublier qu’il s’est en même temps bien gardé d’en déterminer les mécanismes d’organisation et, pire encore, d’en préciser les échéances du déroulement ?
Depuis l’acceptation par la partie sahraouie des plans Baker I et II qui ont ouvert une sérieuse brèche dans le dispositif onusien, le Palais royal mû par la ferme volonté de se dégager des obligations contractées dans le cadre du plan de paix adopté par la Conseil de sécurité en 1991, ne peut que se sentir conforté dans sa stratégie d’intransigeance chaque fois qu’il arrive à dresser un nouvel obstacle ou semer une embûche devant la possibilité de mettre en œuvre la résolution 690.
Et il ne fait que se montrer conséquent avec lui-même ces derniers temps en continuant de rejeter, d’une part, comme irréaliste, l’option du référendum d’autodétermination et à présenter, d’autre part, son projet d’autonomie comme la seule et unique sortie possible et réaliste à la crise que connaît le Maghreb depuis plus de trente ans.
Devons-nous continuer de faire preuve d’un supposé réalisme défaitiste qui ne tiendrait compte que des probables capacités de nuisance de la France et des États unies -qui, soit dit en passant, ne nous ont jamais épargnés par le passé- et ainsi laisser le Maroc grignoter, insidieusement, nos positions sur le plan international et vider les résolutions des Nations unies sur notre question de décolonisation de leur substance, ou adopter une nouvelle stratégie de combat susceptible, avec le temps, de convaincre les autorités marocaine que, désormais, le temps des empires est révolu et que la seule solution, dorénavant, vraiment réaliste et acceptable au problème de décolonisation du Sahara Occidental est la consécration de la République Arabe Sahraouie Démocratique sur l’ensemble du territoire du Sahara Occidental ?
Nous ne pouvons plus hésiter et temporiser. Il faut décidément clairement choisir, car notre réalisme ne peut se conjuguer longtemps avec le leur !

Baba M. Sayed
06.05.08

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