par Takioullah Eidda
Tout juste après que le dossier de WOODSIDE fut résolu, avec l’annulation des avenants et le versement de cent (100) million de dollars à titre de bonus pour la partie mauritanienne, le chef de l’État de la transition de l’époque, président de la CMJD, m’a demandé d’apporter mon soutien juridique à la réforme constitutionnelle alors en cours.
L’objectif principal de la CMJD était, d’une part, de limiter le nombre des mandats du président à deux fois seulement, cinq ans chacun; et, d’autre part, rendre juridiquement impossible, par un verrouillage hermétique, toute possibilité d’amendement constitutionnelle à cet égard.
Pour ma part, j’ai dû consulter plus de 114 constitutions, dont les principales furent annexées à mon Rapport Juridique, remis au Chef de l’État et à son Ministre de la Justice. Ce nombre important de constitutions consultées ne vise pas à alourdir le «fagot de Bineta», mais bien de trouver un maximum de références qui nous permettaient de rédiger des dispositions constitutionnelles capables de tenir face aux tests, voir aux chocs et violence, d’une interprétation partiale ou inféodée.
Finalement, l’ensemble des intervenants et experts chargés de cette réforme sont arrivés à un consensus, lequel fut intégré aux articles 26, 28 et 99 paragraphe 2 de la constitution, dont voici les termes:
«Article 26: Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. (…).
Article 28: Le Président de la République est rééligible une seule fois.
Article 99 (2): Aucune procédure de révision de la Constitution ne peut être engagée si elle met en cause l’existence de l’Etat ou porte atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine des Institutions, au caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne ou au principe de l’alternance démocratique au pouvoir et à son corollaire, le principe selon lequel le mandat du Président de la République est de cinq ans, renouvelable une seule fois, comme prévu aux articles 26 et 28 ci-dessus.»
Chacun de nous sait que cette réforme constitutionnelle fut adoptée en 2006 suite à un référendum libre et transparent, après une importante campagne d’explication et de vulgarisation à laquelle ont participé, de bonne foi et de bonne volonté, toutes les forces politiques et institutionnelles au pays.
À ma grande surprise, neuf (9) ans après, des acteurs politiques murmurent et verbalisent, ici et là, aujourd’hui, dans le cadre du débat relatif au dialogue national, la nécessité d’amender la Constitution afin de permettre au président Mohamed Ould Abdel Aziz de briguer un troisième mandat!
Outre le fait qu’un tel amendement constitutionnel est JURIDIQUEMENT IMPOSSIBLE, compte tenu du caractère intangible des articles 26, 28 & 99(2), le président Mohamed Ould Abdel Aziz n’a jamais à ma connaissance, demandé un tel amendement constitutionnel ni exprimé publiquement, directement ou indirectement, son désir de postuler pour un troisième mandat!
En fait, selon toute vraisemblance, le problème nous vient de la capacité de quelques charlatans, actifs dans cette république et dans le sillage des pouvoirs successifs, de faire croire à nos dirigeants leur éternelle indispensabilité aux commandes et l’incapacité de tous les autres en Mauritanie de leur succéder! Et comme ce n’est pas assez, ces charlatans poussent leur fumisterie au point d’amener ces dirigeants à douter même de leur propre mortalité: Lahawla Wela Ghouwata ilabilah Elaliya Eladhim!
Certes, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a contribué à sa façon, et de son mieux, au développement de ce pays.
Mais la Constitution dicte clairement une alternance pacifique au pouvoir, le tout afin de permettre à un autre mauritanien d’apporter sa contribution à ce pays et ses institutions, et ce, en fonction de ses connaissances, de son énergie, de son style et de sa façon de voir l’avenir.
Il est donc urgent d’implanter l’État de droit et de le faire accepter et respecter par tout un chacun.
Un État de droit dont les institutions se renforcent et restent, malgré le passage des gouvernements et des individus, exceptionnels seraient-ils. Et tout dialogue politique, débat ou stratégie publique globale dont ce principe n’est pas au cœur de son élaboration est, quant à moi, inutile et n’apporte aucune perspective d’avenir pour la Mauritanie de demain.
L'auteur signale dans son message d'accompagnement que le débat est
presque identique, à s'y méprendre, en Mauritanie qu'au POLISARIO,
compte tenu du Congrès général à venir.
Maître Takioullah Eidda, avocat
Montréal, Canada
11.10.15
quebec171[at]gmail.com
--------------
Ce texte exprime l'opinion de l'auteur et n'engage pas les modérateurs du forum.
1 comentario:
C'est un excellent article que j'ai déjà lu sur CRIDEM: http://cridem.org/C_Info.php?article=676143
Vous êtes un avocat digne de ce nom qui n'a pas de réserve à dire la vérité. Vous l'aviez démontré à plusieurs reprises et sur des sujets ultra-sensibles dans notre région.
Publicar un comentario