20.2.08

SAHARA OCCIDENTAL ET PALESTINE - UN PROBLEME COLONIAL

par Georges Perles

S’agissant de la réunion du 22 Janvier 2008 à l’Assemblée nationale relative au conflit entre le royaume du Maroc et la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), je voudrais apporter quelques remarques qui me semblent essentielles pour la compréhension du problème.
Mais avant tout, j’ai apprécié l’intervention du représentant du Front Polisario. Il a développé très simplement et surtout très modérément les tenants et les aboutissants d’un règlement sans violence du conflit opposant le Maroc à la RASD.
Tout d’abord, je tiens à préciser d’une façon générale que ce genre de réunion est très utile puisqu'il y a maintenant un groupe parlementaire français de soutien à la cause du peuple sahraoui. En effet, depuis l’occupation du pays par l’ancienne puissance coloniale, en l’occurrence l’Espagne ( il ne faut pas l’oublier), qui a une responsabilité historique, morale et juridique vis-à-vis de la décolonisation du Sahara Occidental et du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, il n’y a pas eu d’avancées tangibles. Bien sur, depuis le début (plus de 34 ans que cela dure) il y a eu de nombreuses négociations entre les belligérants, dont certaines étaient sur le point d’aboutir. L’ONU est même intervenue et a proposé des solutions pour sortir de la crise, mais sans grands résultats. On parle, on parle, cela n’engage à rien, on peut discutailler et disserter pendant des décennies. Pendant ce temps là, un peuple tout entier est soumis aux pires exactions sans que la « communauté internationale » ne réagisse.
La problématique est : pourquoi le Maroc persiste-t-il dans une position intenable vis-à-vis du droit international ? Sachant que depuis la nuit des temps, il n’y a aucune trace identitaire relative à la présence marocaine au Sahara occidental. Ce territoire n’a jamais été marocain. Donc, de quel droit le Maroc accapare-t-il un territoire qui ne lui appartient pas ? Si on tolère cette occupation, on ne peut envisager le retour de la paix et à terme des guerres sont à redouter
Depuis des siècles, les puissances impérialistes ont toujours pratiqué une politique de violence et de rapine. La liste est trop longue pour citer tous les crimes et parfois l’extermination de peuples entiers. Aujourd’hui encore, les Indiens d’Amérique, les Africains et les Algériens en savent quelque chose. Cette politique de rapine avait cessé un temps avec la naissance de l’URSS et des pays socialistes. Mais, depuis la disparition de ces entités politiques, cette politique a repris un second souffle. Aujourd’hui, on peut le constater avec les multiples conflits internationaux, le dépeçage de la Yougoslavie, la guerre en Irak et en Afghanistan, entre autres. Fomenter des coups d’Etat, soutenir des dictatures dans le monde et reconquérir des positions perdues, telle est leur devise.
Ces puissances qui se glorifient de leur civilisation en se gargarisant de la défense des droits de l’homme et en prétendant instaurer la « démocratie » dans le monde, ont transformé la devise « liberté, égalité, fraternité » en « liberté, égalité, B52 ». Dans les faits : on entend par liberté : vendre leurs produits sans limites et sans restriction; par égalité : l’imposition de la « bonne gouvernance » mondiale, c’est la logique d’une société « libérale » qui met des dirigeants corrompus à leur service. Quant à la fraternité, c’est le droit d’ingérence dans les affaires intérieures imposé par la force au peuple. La phase finale de la « démocratie » est d’envoyer leurs entreprises pour reconstruire le pays (pas gratuitement) et aussi leurs ONG pour apporter le réconfort aux populations démunies.
Nous sommes toujours dans la loi de la jungle et de la férocité de ces puissances qui ne reculent devant rien pour asseoir leur hégémonie et conserver leurs intérêts égoïstes. En décrivant très succinctement ce qui précède, je ne suis pas hors-sujet, je parle toujours du conflit du Sahara Occidental.
Pour concrétiser ma démarche, je voudrais mettre en parallèle et en évidence deux conflits qui durent depuis des décennies et qui occupent sporadiquement le paysage politique de ces puissances qui portent une responsabilité énorme sur les deux événements: la Palestine et le Sahara occidental.
Dans les deux cas, si l’on regarde de plus près, on a un pays agressé et un pays agresseur. Ce sont les mêmes protagonistes qui sont impliqués dans la même politique de terreur contre ces deux peuples.
S’agissant de la Palestine: depuis 1948, le peuple palestinien se bat pour chasser l’envahisseur contre un ennemi féroce en l’occurrence l’Etat d’Israël. Depuis cette date, ce pays, sous le fallacieux prétexte de se défendre, agresse sans discontinuer le peuple palestinien. Venant aggraver la situation, en 1967, il se permet d’occuper une grande partie du territoire palestinien et de construire un mur de séparation qui limite la nouvelle frontière de l’Etat d’Israël. Arrestations, crimes, bombardements, expulsions, spoliations et blocus dévastateur, c’est le lot quotidien de toute une population sans défense pris dans un cycle infernal de violence. On tue femmes, enfants, vieillards sans distinction au grand jour. Il ne se passe pas de jour, sans que les Palestiniens ne subissent les pires atrocités. Je ne vais pas m’étendre sur ces abominations insupportables. Depuis plus de quinze ans, on discute, pardon on négocie et rien n’empêche de continuer à mener une politique désastreuse y compris pour l’Etat d’Israël. En outre, je constate que ce pays a été condamné plusieurs fois par l’ONU, où de nombreuses résolutions ont été votées à l’unanimité afin qu’il évacue les territoires occupés. L’Etat d’Israël a aussi en projet le grand Israël qui englobe toute la Palestine. Je fais simplement remarquer que la « communauté internationale », dont on nous rabat sans arrêt les oreilles chaque fois que l’on veut justifier l’injustifiable, regarde ailleurs.
Dans tous les cas, cela reste un problème colonial au même titre que l‘occupation du Sahara occidental. Il faut donc le traiter en tant que tel.
En ce qui concerne le Sahara occidental, la stratégie de l’occupation est différente. A partir d’un scénario digne des westerns américains et avec la complicité de l’Espagne, le Maroc met en scène la "marche verte" avec, comme acteur principal, une grande partie du peuple marocain manipulé et encadré par l’armée. Après un tapage médiatique sans précédent, il pénètre en grande pompe au Sahara occidental. C’est le début de la guerre. Le peuple sahraoui avait un seul choix, celui de se défendre et de chasser l’envahisseur par tous les moyens. Après une longue guerre contre le peuple sahraoui qui a duré des décennies, le Maroc s’est emparé de 90% du territoire et surtout des meilleures terres. D’autre part, pour matérialiser son nouvel espace de conquête, le Maroc a construit un mur de 2700 km. Je ne vais pas m’attarder sur les méfaits de l’occupation.
Je tiens à préciser que le Maroc et Israël sont à égalité. Tous deux ont été condamnés par les instances internationales et ont construit un mur. Toutes les résolutions de l’ONU, pourtant votées à l’unanimité, sont restées dans les tiroirs et depuis dans les oubliettes. Les murs, ces ouvrages démentiels de l’occupant, sont invisibles. D’autre part, ces deux pays ont des projets de conquête, pour l’un le grand Maroc et pour l’autre le grand Israël.
Je voudrais poser une première question. Est-ce que ces deux pays pourraient agir de la sorte s’ils n’avaient pas un appui déterminant et surtout un accord tacite et hypocrite avec des grandes puissances ? Je peux maintenant les nommer: les Etats-Unis, la France, l’Espagne et cette nouvelle Europe qui se prétend civilisée. Par leurs positions politiques sur ces deux conflits, ces puissances deviennent complices de crime contre l’humanité et de non assistance à peuples en danger.
Deuxième question : quelles sont leurs motivations et leurs objectifs?

Le soutien américain au Maroc est à plusieurs détentes; en premier lieu, l’objectif principal à long terme, c’est l’accaparement de toutes les richesses du Sahara (englobant le Sahara Occidental, la Mauritanie, le Sahara algérien en passant par le Tchad et la Libye). L’Afrique toute entière est aussi au programme. Pour atteindre cet objectif, les Américains sont en train de mettre en place toute une organisation stratégique dangereuse pour tous les peuples de la région (Africom) qui comprend l’installation de bases militaires de grande capacité. Ils ont déjà un pied à terre au Maroc, deux importantes bases militaires opérationnelles existent déjà. Il faut savoir que les autorités marocaines sont dans le giron américain. Mais ils s’intéressent surtout au Sahara algérien qui possède d’importantes réserves de pétrole et de gaz dans son sous-sol. Ils veulent à tout pris construire une base militaire géante pour garantir leurs investissements et l’approvisionnement en pétrole et avoir la possibilité d’intervenir dans toute l’Afrique. Mais les Algériens pour l’instant sont réticents. L’enjeu est de taille: si les Américains installent une base militaire au Sahara, l’Algérie perdrait tôt ou tard sa souveraineté sur le Sahara (détacher le Sahara de l’Algérie n’est pas une invention américaine; pendant la guerre d’Algérie, aux négociations d’Evian, la France voulait exclure déjà cette partie du territoire algérien). L’appui des USA à la politique marocaine d’occupation du Sahara Occidental consiste aussi à faire pression sur les autorités algériennes pour qu’elles acceptent leur demande. Ils sont prêts à tout pour faire appliquer leur stratégie par tous les gouvernements de la région, y compris par la force. Les Etats-Unis restent le danger principal pour tous les peuples de la région. Le loup dans la bergerie.
Quant à la France, ancienne puissance coloniale, affaiblie par la perte de son empire colonial, elle n’a pas encore accepté ce fait. Depuis des décennies, elle a été gouvernée par une bourgeoisie minoritaire ultraréactionnaire. Ce n’est pas les quelques années de passage de la social-démocratie aux affaires qui ont changé les choses. Prônant la fuite en avant, elle est maintenant intégrée dans un conglomérat ‘bâtardisé’. L’Union européenne avec ses 27 pays hétérogènes et qui n’ont aucun lien historique entre eux est dirigée par des oligarchies revanchardes et réactionnaires. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, nous n’avons pas connu une telle situation. L’Europe se retrouve confrontée avec ses vieux démons. On sent déjà monter un peu partout les odeurs nauséabondes de la peste brune et du Maccarthysme. Sous prétexte de faire face à l’hégémonisme américain, ces pays se sont associés dans une alliance militaire pour se « défendre ». C’est une position confuse, comment expliquer aux Européens que cette alliance (l’OTAN) est sous commandement américain. L’OTAN avait été conçue par les Occidentaux pour contrer l’expansion soviétique. Normalement, suite à la disparition de l’URSS, cette alliance n’avait plus sa raison d’être. C’est loin d’être le cas, non seulement, elle n’a pas disparu mais, au contraire, elle s’est renforcée. Le rôle de l’OTAN aujourd’hui, c’est d’être le gendarme du monde. Pour maintenir la puissance occidentale et préserver leurs intérêts égoïstes, cette alliance peut intervenir partout dans le monde pour rétablir leur suprématie, c'est-à-dire la « bonne gouvernance ». L’OTAN a participé militairement au dépeçage de la Yougoslavie. Le peuple yougoslave a subi des bombardements intenses occasionnant des destructions massives et de nombreuses victimes. Elle est toujours présente dans ce pays et est à l’origine de la création de mini Etats « indépendants » suivant la devise « diviser pour régner ». Le dernier en date est le Kosovo. Toute la nouvelle Europe a aussi participé cette mascarade monstrueuse. L’OTAN est une organisation militaire dangereuse pour tous les peuples de la terre.
Pour revenir au sujet, la France apporte sans ambiguïté un soutien important à la politique marocaine d’occupation et de colonisation du Sahara occidental. Le président de la République s’est même déplacé personnellement pour appuyer cette position. Et le silence de l’Union européenne en dit long et, pour cause, toute sa politique étrangère va dans le même sens. On peut constater que sur les deux conflits, que ce soit la Palestine ou le Sahara Occidental, cette nouvelle Europe ferme les yeux sur les massacres journaliers de populations sans défense.
Je voudrais, pour conclure, faire remarquer avec insistance que sur ces deux conflits on retrouve les mêmes protagonistes : le Maroc et Israël soutenus par les Etats-Unis, la France et la nouvelle Europe. Pourtant, par rapport au droit international reconnu par l’ONU et par tous les Etats membres, le Maroc et Israël sont dans une illégalité totale indiscutable. Dans les deux cas, on assiste au grand jour aux massacres de peuples sans défense sans que personne sans émeuve outre mesure. De même, on négocie depuis des lustres mais sans résultats tangibles. On parle de paix, mais on continue la guerre. Jusqu’à quand ?
Que faire pour imposer une paix juste pour les peuples en conflit? Pour ma part, je pense que combattre seulement les effets et ne pas combattre la politique des véritables protagonistes qui sont cause des guerres ne suffira pas pour imposer la paix. Pour aider ces peuples, il faut impérativement mener une bataille politique contre les pays qui soutiennent l’insoutenable.

Georges Perles
14 Février 2008

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