8.3.09

Réformes

par par Alif Daoud

Je ne crois pas que la nouveauté des méthodes suffira à dissiper la crispation dépressive de la société Sahraouie. Il suffit de mesurer l´irréalisme du processus référendaire pour voir que le modèle politique Sahraoui ne vaut pas mieux que « le modèle social ». C´est le même climat mental qui les inspire et les condamne. Ils sont fils de la même dérive collective : celle de la peur, celle de l’ambiance coupée du réel que l´on conjure souvent par l´utopie.

L´attente de l´avènement d´une paix de ce processus a engendré des institutions impotentes, un appareil colossal, autogéré par « les ambitions et les rêves » et qui oppose sa masse compacte à toute réforme. Il asphyxie les compétences que l’organisation dépose comme des éphémères sur son incurable marais.

Pendant cette attente, qui est transformée en une tâche sombre dans le processus de la décolonisation de notre pays, notre jeunesse saigne, les écoles paupérisées déclinent : Nos élèves désertent l´enseignement aussi rapidement que prévu et embarquent dans la galère de la précarité. La majorité écrasante de nos élèves sortent sans diplôme du secondaire, des naufragés qui ne maîtrisent ni la langue orale ni l´écrite, c’est toute une génération sacrifiée qui exige qu´on en finisse, là aussi, avec cette « chose » appelée la « paix avec le Maroc ».

Les dégâts, bien sûr, ne se limitent pas à la débâcle éducative et sociale. En amont, si on observe le paysage du plus haut, c´est en vérité tout le processus référendaire, depuis 1991 jusqu´au 2008, qui est atteint par l´effondrement de l´autorité souveraine des Sahraouis sur la scène de cet enjeu. De l´autorité fonctionnelle de celui qui dispense une décision sur celui qui l´acquiert, une autorité saccagée par un certain « vieillissement moral » ambiant. La sacralisation de l´homme politique Sahraoui, immunisé contre la sanction, écouté, toléré, dans ses désirs et caprices, bercé par le mirage de carrières séduisantes mais bouchées, décervelé par un pédagogisme délirant, ce vieillissement a fomenté des foules de dirigeants « politiques » qui abordent les duretés de la vie avec un carapace en carton et a approfondi la fracture entre eux et le peuple. Cet état, est en fait, le résultat d’un piège politique savamment et malignement préparé.

Dans ce champ de ruines, comment voudrait-on que ce peuple jeté sans défense dans les précarités de la vie tourbillonnante ne soit pas ahuri et révolté par les obstacles qu’ il découvre ? La complicité de « l´ONU », des Américains, des français et des « inconnus » avec le régime marocain assassin. Un « terrorisme silencieux ». De De Cuellar a Walsun, le Maroc est devenu le bastion de tous les nouveaux « pauvres impérialistes ».

La crise révèle cette spécificité Sahraouie dont la dérive peut aboutir à la désespérance. Il faut ouvrir nos fenêtres sur le monde. Depuis de nombreuses années, c’est vrai, nous souffrons d’un tropisme hexagonal excessif. Nous sommes allés trop loin dans le repli Euro-Américain. En coulisses, Paris « en trait d’union » avec Washington, officiellement alliés du Maroc, se découvrent des intérêts divergents dans le champ clos de notre région. Paris y entretient des liens historiques et, pour la France, le Maroc est une base indiscutablement stratégique ou mieux dire : un territoire outre-mer. Les Américains exploitent le pétrole et la vente de mondât de la lutte anti-terroriste tentent d´étendre leur influence politico-militaire. Ils ne veulent pas quitter cette région qui leur permet de rayonner dans la zone où les Euros ne dédaigneraient pas d´être politiquement plus présents. Ces derniers avancent leurs pions en douceur. Cette crise leur permet de jouer un grand coup. Washington s´est proposé comme médiateur dans le litige référendaire qui nous oppose avec le régime de Rabat. Les convoitises des États-Unis et de la France dans la région ne sont ni hasard ni nouveauté. À l’égard de l’accord de pêche, dans l’avenir, il y aura certainement, dans notre zone, du business et des « mariages économiques arrangés ». Aujourd’hui, est c’est ici, encore une fois de plus, que pour surmonter la crise, le Polisario a besoin de comprendre mieux le monde pour s´engager dans l’enjeu. Se débrouiller du « terrible virus » référendaire et s’émanciper de la tutelle de l’appareil Euro-Américain est donc une priorité.

La mondialisation de la question Sahraouie, à la Palestinienne, n’est pas une valeur ou une antivaleur, c’est un espace de compétition, notre avenir se joue là. Il nous faut tenir à la fois un discours de fermeté et de volonté sur le rôle que peut jouer le F.Polisario comme mouvement armé de libération et la république Sahraouie sur la scène mondiale. Il ne faut pas attendre que les Yankees nous jugent avec bienveillance pour que les choses s’arrangent. Voyons, Les Américains et les Européens ménagent les conflits du moyen orient, ce dernier est devenu la région la plus conflictuelle de la planète. Pas de différence, les sentiments d´avarie des néo-conservateurs et des convoitises françaises emportent notre cause sur la raison.

Nous avons mille fois annoncé le reprend des armes, comme si cela va être demain et au même temps nous nous lançons dans les bras des Occidentaux comme si notre souveraineté résidait entièrement à Bruxelles ou à Washington. Certes, seuls les imbéciles ne changes pas d’avis, mais cette « polygamie politique » nous a involontairement, je crois, poussé à « prostituer » notre destin.

Par bonheur, il se lève, dirait-on, ces temps-ci toute une volée de Sahraouis, du Daïra au Secrétariat National, qui devant la ruine manifeste, se rebellent et le font savoir. Ils leur reste à conquérir démocratiquement, chez leurs pairs, la place qu’ils méritent. C’est dans la tête et cœur d’hommes libres que la réforme peut oser s’affirmer contre la peur défaisante de la détérioration. Ceux qui veulent « tuer » le peuple Sahraoui en sont pour leurs frais.

Au delà de tout cela, les faits pervers de l´état Marocain, seize ans de massacre et trente trois ans de souffrances, ce sont des deuils encore impossibles à faire et des blessures toujours à vif pour toutes les victimes de ses atrocités. Il n’ y aura jamais de trou de mémoire parce que la barbarie du régime Marocain contre les Sahraouis continue de sourdre de vieilles et nouvelles haines intactes. Ce régime pour qui l´histoire mythifiée du « Sahara » est le dernier artifice de salvation et d´existence.

Décidément il ne faut pas attendre que ce système barbare qu’est l´attente d´une offerte de Rabat se reforme de lui-même comme « charité » sous le Vichy CORCAS (Vichy, dont Sarkozy et Bush partagent le bagage idéologique !). Un mécanisme d´une nouvelle stratégie révolutionnaire, en rupture avec le passé, est donc nécessaire. Il faut reconstruire un large front populaire, patriote et progressiste donnant corps aux vrais principes du 10 Mai 1973 capable de restaurer la souveraineté nationale, de tisser des traits nationaux luttant et de renouer avec notre histoire de résistance.

Des temps difficiles s’annoncent et le chemin qui mène à l’indépendance reste long et semé d’embûches. il faudra faire preuve de sang-froid et d’abnégation. Plus que jamais, la lutte armée est le stade suprême du régime expansionniste marocain. Plus que jamais, Sahraouis de tous coins, unissez-vous et attaquez.
08.03.09
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