17.9.08

La trahison et la critique

par Salah Khatri

Le monde qui nous entoure a profondément changé. Les grandes idéologies qui ont structuré le débat politique tout au long du siècle ont perdu de leurs attraits. Le mouvement de mondialisation de l’économie et la révolution des technologies de l’information changent en profondeur nos habitudes de communication autant que de citoyens. Comme tout projet politique, le F. Polisario ne s’est pas développé exactement dans la direction que ses fondateurs avaient imaginée.
Les conditions ont changé, la situation et l’environnement également.

Face à ces bouleversements, nous n’avons plus de réponses toutes faites, ce qui ne doit pourtant pas nous empêcher de défendre nos valeurs (liberté, unité, démocratie)
Avec d’autant plus de conviction que les repères sont brouillés dans les consciences de cette fin du siècle.

L’indépendance qui est l’objet ultime du F. Polisario passe évidement par sa capacité politique à peser sur sa destinée à travers les choix collectifs. Cette capacité ne peut s’exercer si sa culture historique et sociale est prédéterminée par un groupe ou un système de pensée. Il ne peut s’exercer si son sort matériel dépend de décisions qui lui sont étrangères et contre lesquelles il ne peut s’élever, où encore face auxquelles il ne peut que s’incliner. Si l’individu ne dispose pas de ces droits et garanties, vit-il autrement que comme membre d’une espèce, aveugle dans un tunnel obscur ? En tout cas, il ne vit pas en démocratie. Il faut donc, protéger le mode de vie Sahraoui, c’est-à-dire celui où la part collective des instruments lui permet d’exercer ses choix démocratiques est assurer une société où la chance, les dons naturels assurant un filet protecteur, et garantisse à chacun la reconnaissance de sa part de dignité humaine.

Je crois en l’avenir de la révolution, en celui du F. Polisario, mais je suis toujours convaincu de la nécessité d’une réflexion approfondie des Sahraouis sur leur identité, sur la morale et les valeurs.

Selon le dictionnaire du petit Robert la signification de :

La trahison : nF = action de manque au devoir de fidélité, au crime d’un personne qui trahit, qui passe à l’ennemi
La critique : nF et adj. = analyse, examen, jugement intellectuel, moral.

Selon la culture du peuple sahraoui la signification de la trahison est :
1. externe : toute personne qui passe à l’ennemi
2. interne : toute personne qui travaille pour ses intérêts personnels sur le dos du peuple, toute personne qui trafique le bien du peuple, tout dirigeant qui fait du tribalisme son critère de désignation, tout dirigeant qui a participé aux événements de 1988.
La trahison interne est plus dangereuse que la trahison externe.

En ce qui concerne la critique, c’est d’abord, à mes yeux, tenter de prendre la mesure du nouveau contexte, historique, politique, social, dans lequel nous nous trouvons depuis une dizaine d’années.

La critique est un moyen de développer au maximum la conscience de la responsabilité de chacun en lui permettant dans la mesure de ses capacités et des ses forces de prendre une part effective à la direction des affaires communes.
Dans notre révolution, le militantisme, c’est un grand acte de confiance, et instituer la confiance, c’est proclamer que des milliers de femmes et d’hommes sauront tracer, eux-mêmes, les règles communes de leurs actions, qu’ils sauront concilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre, qu’ils sauront se combattre sans se déchirer, et qu’ils ne chercheront jamais dans une dictature même passagère une trêve funeste et un tâche de repos. Où chaque homme pourra réaliser ce qu’il est, et ce qu’il pourrait être, alors, l’homme verra éclore toutes les promesses qu’il porte en lui, qui sont immenses, et encore inconnues.

Le militant devra être à même de saisir les phénomènes de son temps, de lire les faits et de pouvoir les critiquer à la lumière d’une intelligence sans cesse renouvelée, alerté par les leçons de l’expérience et la curiosité des idées novatrices.

La critique, ce n’est pas seulement les débats dans les congrès où dans les réunions politiques. Elle est évidemment un débat dans les livres, dans les journaux, elle est aussi personnelle et collective, dans les séminaires, dans les colloques, mais avant tout, elle est une réflexion qui permet à chaque fois d’éclairer un pan de notre présent et notre passé, de mieux comprendre notre histoire, parce qu’il faut bien en revenir aux certitudes simples et claires qui justifient notre existence, expliquer qui nous sommes ? Pourquoi nous combattons ? Et depuis si longtemps.

La critique est un débat sur l’actualité, sur le sens du combat du F. Polisario, voir sur le programme de gouvernement.
Chaque occasion est bonne pour chercher et essayer d’avancer. A chacun de faire que ce soit une nouvelle et importante victoire.

L’important est de ne jamais oublier la révolution et l’indépendance qui elle est deux fois sacrée pour nous, parce qu’elle est notre combat et parce que elle est humaine.
La critique nourrit la réflexion, et avec cette méthode nous devons voir plus loin. Les critiques et les divergences sont nécessaires et inévitables. Mais elles ne doivent pas se cantonner dans des cercles fermés des congrès ou des réunions.
La critique pour moi est une manière de contribuer au progrès d’une société, d’inspiration indépendante et révolutionnaire, et la critique est utilisée a cette fin, c’est celle d’une analyse objective des faits, engagée quant à sa finalité.
Ma critique est une vision de la société et de la révolution, une insatisfaction profonde et une volonté de faire mieux et de mieux être, de changer la vie, une sorte de fois et d’espérance, qui puise ses références dans la grande image de la victoire du peuple Sahraoui.

Une victoire de la liberté et de la démocratie du progrès de la culture et de l’éducation. Trois étapes jalonneront ma réflexion, une remarque d’ordre sémantique, un rappel historique très bref et une tentative pour indiquer une voie possible.

La voie de la critique accusée en permanence de la trahison, oscillant entre des justifications platement, nationalisme et la liberté des idéaux, il s’agissait en quelque sorte d’une voie toujours suspecte par nos dirigeants politiques.
Alors, que la critique c’est précisément cette capacité de tracer une frontière entre le nationalisme et la trahison ce qui relève de la maîtrise collective de l’avenir de l’intérêt général.
C’est en développant notre capacité à critiquer, en nous battant politiquement sur notre projet que nous serons le mieux capable de défendre nos valeurs, celles qui donnent tout son sens à notre action. Nos idées ne sont rien sans cette volonté de les faire entrer dans la réalité. C’est ce sens du combat au service d’une société plus libre et plus solidaire qui est pour moi la meilleure définition du F. Polisario.

Aujourd’hui comme hier, il convient de répéter inlassablement que la critique et la trahison ce n’est pas la même chose. Les nationalistes n’ont pas craint d’exercer la critique pour leur combat politique et social.

Alors que cela veut dire que la bataille des idées sont gagnées, mais, il n’est pas temps encore de se reposer sur la fierté d’avoir eu raison plus tôt que d’autres.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce que il y a certain de mes compatriotes qui, ils estiment que j’ai rendu service à l’ennemi en publiant mes articles. Cela m’a laissé perplexe, et ce qui me frappe, que c’est une doctrine d’une grande incohérence. M’accuser de faire le jeu de l’ennemi c’est en d’autres termes, m’accuser de trahison.

Mais je sais que ce n’est pas moi qui mets en péril mais ceux qui font progresser la société ceux qui défendront la démocratie. Pour moi il est hors de question de remettre en cause en quoi que ce soit la légitimité du F. Polisario comme représentant du peuple Sahraoui et je ne pourrais pas vivre sans continuer à partager mon engagement nationaliste et révolutionnaire avec mes compatriotes.

Sans doute, du point de vu des gens qui m’approchent ma critique, la critique est une interrogation dont l’objet devient équivoque, voir ambigu. Il y a là, à la fois, une appréciation politique et une visée idéologique.
Pour moi la critique permet de comprendre des erreurs et de recadrer les priorités.

Ce qu’ils me reprochent, c’est ma façon de critiquer et mon inspiration démocratique. Une inspiration qui fait écho à celle qui s’exprime par tous les Sahraouis, en témoigne la place que tient aujourd’hui dans les esprits la question des valeurs révolutionnaires.

Je crois que nous appartenons à la même famille politique, que nos différences sont de degré, pas de nature, eux, ils présentent une fraction du F. Polisario plus radicale, plus excitée, parfois irresponsable, mais inspiré, quand même, par les principes et les valeurs qui sont les nôtres.

Cette pensée politique s’est incarnée, tour à tour ou parfois simultanément dans la violence et dans une attitude négative vis-à-vis de mes critiques. Elle fournit un point de vue émotionnel et irresponsable. Mais, moi, sain d’esprit et libre de toute contrainte, déclare fermement être et rester membre du F. Polisario révolutionnaire.

L’attachement à la cause nationale est un droit de tous les citoyens. La satisfaction de défendre ses idées, constituent aussi des mécanismes de rétribution de l’activité politique au même titre que la représentation politique ou administrative. Sinon à quoi cela servirait-il de lutter pour notre indépendance si nous n’étions pas libres.

La trahison ne s’agit pas d’un slogan avec lequel on peut jouer impunément, certes, cette pensée est une pensée individuelle, mais, il n’est pas légitime, et il ne s’agit pas de le nier, il s’agit au contraire de la combattre Cette aspiration individuelle ne doit pas signifier la disparation de toutes les valeurs révolutionnaires, il convient de dénoncer les effets pour le moins pervers d’un discours politiquement incorrect, et dangereux cette déclaration contribue aussi beaucoup à affaiblir le débat politique et sociale, et mettre en causse la dignité de la personne humaine.

Il s’agit la d’une formule minimaliste, sur laquelle les adhésions verbales sont nombreuse, mais qui a-t-il au-delà du verbalisme ?
C’est une attitude dépassée, calomnie, sarcasme, injure, mensongère, cette attaque dépasse la violence verbale a la dignité de un militant et un citoyen.

Il est vrai que le problème posé n’est pas simple, faut-il accepter de se poser ce problème si l’on tient compte de l’éclatement des dimensions de l’unité nationale ? Quoiqu’il arrive, les choses tourneront mal, il est difficile de donner une forme à ma réaction.
On ne court-il pas aujourd’hui un risque majeur à cette attitude ?
On ne peut pas juger simplement une critique ? Est-ce c’est notre responsabilité politique de juger la point de vu d’un citoyen ? Que nous avons le droit de juger le citoyen quelque soit notre responsabilité politique ? Est-ce que la trahison ce n’est pas une question de dignité qui doit être traitée juridiquement ? On voit par là que définir le traitre est une tâche impossible.
Si l’utilisation du terme, trahison renvoie à une méthode de résolution de conflits, il n’enlève pas l’ambivalence quant au caractère ultime de l’injustice.
Je suis étonné, attristé, et j’envisage de combattre cette déclaration injuste de deux manières non seulement par un combat juridique mais également par un combat médiatique.
Je n’en dirais pas plus en ce qui concerne cette attaque.
Chaque fois qu’il m’a été proposé de créer une tendance sur mes positions, je l’ai toujours refusé, car j’estime que l’existence de tendances organisées est dangereuse pour le F. Polisario et je ne ferais jamais rien contre mon parti qui est le F. Polisario. J’espère le convaincre que la critique est utile, et personne ne m’empêchera jamais de servir mon peuple et la cause nationale.
Le F. Polisario doit garder en lui une part de morale qui donne à la responsabilité politique une dimension respectable. Et le rêve ne doit pas être suspect, c’est parce que les hommes ont rêvé d’un monde meilleur que le F. Polisario présente cette alternative possible.
Il me semple que cette attitude relance le débat sur l’enjeu politique de la démocratie, quand à moi, cela me permet de vous dire, fort amicalement, que l’avenir démocratique se trouve au cœur de notre combat pour une société libre et moderne, contre le cléricalisme au sens large et moderne du terme.
17.09.08
Salah khatri
skhatri@wanadoo.fr

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1 comentario:

Anónimo dijo...

Les définitions de la trahison selon la culture sahraouie, ça vous l'avez trouvé dans quel dictionnaire? C'est faux que dans la culture sahraouie il y a deux genres de trahisons : une interne et une autre externe. Il n'y a qu'une seule définition de la trahison : C'est le retour contre ses principes, son ideal et ses devoirs. Ce que vous voulez, avec votre définition très personnelle de la trahison c'est attaquer la direction et dire qu'ils sont des traîtres.
Et vous, qu'est-ce que vous avez fait pour servir à votre peuple et ne pas être un traître? A part lancer des discours sarcastiques bidons? Vous êtes parti, alors laissez les sahraouis se débrouiller par eux-mêmes, "ils sont majeurs et vaccinés" et ils sont arrivés jusqu'à ce stade sans vos conseils et vos théories à deux sous. Si vous croyez avoir une idée qui amènera l'indépendance, allez-y. Les critiques bidons dont on connaît pas les objectifs, ça non merci, on n'en a pas besoin.