par Maître Takioullah Eidda
Au cours des dernières semaines, deux articles relatifs à la région du Nord nous ont été présentés. Le premier soumis par le journaliste M. S. Beheite, dont les connaissances de Tiris-Zemour et ses problèmes ne sont plus à démontrer; le deuxième fut soumis par notre Doyen Mohamed Ould Soueilem. Sans vouloir entrer dans les interprétations socio-culturelles, il faut souligner ici que tous ces articles, tant celui de M. Beheite que Mohamed Ould Soueilem, reconnaissent sans équivoque une réalité historique, à savoir que la région du Nord, particulièrement le Tiris-Zemour, a donné tant pour le reste de la Mauritanie.
Tout d’abord, elle a lui a permis de naitre en tant que pays, comme le reconnaissait si bien feu le Président Mokhtar Ould Daddah dans ses mémoires.
Elle a donné les fruits de ses richesses minières et halieutiques, grâce auxquelles des générations de jeunes ont pu étudier, permettant ainsi à une élite et une administration de naitre et de se développer dans ce pays.
Ces mêmes richesses ont permis à plusieurs régions du centre et de l’Est du pays de se désenclaver.
Elles ont permis en outre à tant de mauritaniens de se soigner et à des agriculteurs de semer les berges du fleuve, poumon de notre économie verte.
Et pour finir, le Tiris-Zemour a permis à tant d’éleveurs de l’Est de la Mauritanie de profiter de son espace, béni de Dieu, en pâturant dans un environnement sain, unique et inégalé, et ce, sans jamais se sentir étrangers, si bien qu’aucun historien ne peut relever un incident quelconque à Tiris relatif à un problème de transhumance ou de partage d’un point d’eau!
Mais alors qu’est ce que la Mauritanie a donné, en contre partie, à la région Tiris-Zemour? Rien! Absolument Rien!
Feu Mokhtar Ould Daddah a fait de cette région un terrain de bataille entre frères et voisins et on connait la suite. Durant les dix huit années de son régime, le Tiris-Zemour n’avait connu aucune réalisation d’intérêt public planifiée ou financée à même le budget de l’État. Pas une seule! Cette région se contentait des charités et des restants de la défunte MIFERMA.
La ville de Fdérick est restée tel que les français l’avaient laissée. Idem pour Bir-Mougrein. Des villes qui ressemblaient à des termitières du Parc de Kakadu en Australie, avec quelques familles agonisantes abandonnées par leurs enfants pour absence de perspectives et d’espoir. Et les quelques uns qu’y sont restés, finissaient par payer de leurs vies, à force d’inhaler la poudre mortelle des minerais au fond des fosses des gisements de Lkidia, le tout afin de payer les salaires des fonctionnaires loin, là-bas, à Nouakchott.
Puis, en 1978, les officiers du Conseil Militaire du Salut National sont arrivés. Certes, ils ont arrêté l’écoulement de sang entres les frères sahraouis et mauritaniens, ce qui est déjà beaucoup et très précieux dans les circonstances pour nous tous. Mais, en dehors de cette action pacificatrice et correctrice, rien de concret, ni de visible économiquement parlant pour la région!
En 1984, vint le régime de Mouaouiya Ould Taya. Alors là, c’est le comble du malheur: la ville de Zouerate est allée rejoindre celle de F’Dérick et de Bir-Mougrein dans la misère et l’abandon. La redevance de l’exploitation frénétique des gisements miniers de Tiris-Zemour fut fixée à 1 500.000 ouguiyas par année pour F’Dérick; 1 500.000 ouguiyas pour Zouerate et 1 500.000 ouguiyas pour Bir-Mougrein!!!???.
Appauvrie, isolée et enclavée derrière le fameux cordon dunaire d’Ezefale et les pierres pointues tranchantes d’El Baten, la région de Tiris-Zemour fut délaissée aux trafiquants de drogues, de cigarettes, d’armes, d’immigration clandestine et au Grand banditisme de tout genre.
À l’arrivée de la CMJD en 2005, le Président Ély Ould Mohamed Vall a eu le mérite d’avoir pris l’initiative de réhabilité les grandes artères de la ville de Zouerate et la route entre cette ville et F’Dérick, toutes devenues impraticables et dangereusement mortelles.
Sa décision d’asphalter le tronçon de treize (13) Km, traversant le très pénible cordon dunaire d’Ezefal, est ici à saluer tout particulièrement.
Au mois de novembre 2010, le Président Mohamed Ould Abdelaziz est venu en visite dans la région de Tiris-Zemour. Lors de ce passage, le Président a tout d’abord reconnu le délaissement dont la région a été longtemps victime sous les régimes successifs qui l’ont précédé. Et c’est là où il a pris l’engagement formel devant les populations de la région qu’il changerait cette fatalité.
C’est alors que plusieurs projets ont vu le jour: des projets de ravitaillement en eau, d’électrification, de constructions d’hôpitaux et surtout, le lancement des travaux de construction de la route bitumée ralliant la Wilaya de Tiris-Zemour avec le reste du pays.
Plusieurs de ces projets sont aujourd’hui terminés ou sur le point de l’être. Bir-Oumgrein par exemple, est aujourd’hui électrifié 24/24, grâce à des deux groupes électrogènes en rotation, alors qu’elle était dans le noir total depuis le départ des français. Une usine de désalinage fournie de l’eau potable aux habitants de la ville. Son dispensaire a été inauguré en 2013. L’hôpital régionale de Zouerate a été lui aussi inauguré et aujourd’hui opérationnel à la grande satisfaction des populations de cette Wilaya. Aujourd’hui on est à la phase finale des branchements électriques et de la mise en place des canalisations d’eau potable. Plusieurs écoles ont été aussi construites à Zouerate, à Fdérick et à Bir-Mougrein.
En plus de ces actions, le Président Aziz a donné vie et vigueur à la Fondation Snim, comme structure importante de gestion des redevances octroyées aux villes de la Wilaya au titre de l’exploitation des ressources minières.
Le rôle principal de cette Fondation est de financer et réaliser les projets sociaux-économiques prioritaires selon le Conseil des élus et les administrateurs de la Wilaya.
Il aurait donc fallu attendre cinquante longues années pour qu’enfin la région du Tiris-Zemour attire l’intérêt du pouvoir central à Nouakchott.
Voilà pourquoi les gens du Nord apprécient les orientations politico-économiques du Président Aziz, puisqu’il a entendu leurs appels répétés et compris leur frustration, restée longtemps sans écho. Il serait malhonnête et ingrat de taire ou de minimiser l’intérêt que le Président en exercice a donné à la région de Tiris-Zemour.
Ceci dit, il faut que nos compatriotes mauritaniens, ailleurs dans ce pays, comprennent que l’insistance des gens du Nord à être entendu ne vise aucunement à les blâmer ou les exclure de leurs droits de profiter, dans le cadre d’une politique de péréquation juste et équitable, des richesses du pays où qu’elles s’y trouvent, y compris celles de Tiris-Zemour.
Loin de là! Leurs soucis est tout simplement que cette région du Nord, qui a tant donné, ait enfin le droit le plus élémentaire de recevoir sa juste part en tant que région productrice. Mais aussi d’être associée, en amont, dans l’élaboration et la planification des politiques publiques du pays.
En effet, la région de Tiris-Zemour est complètement absente de la haute structure de gestion de la SNIM, à savoir son CA et son ADG. Tout comme elle est absente de la table du Conseil des Ministres. Pourtant, ce haut lieu de prise de décisions relatives aux intérêts suprêmes du pays, doit refléter un équilibre régional, par opposition à l’équilibre ethnique et tribal (méthode longtemps adoptée, devenue inadaptée et désuète), et ce, par soucis de proximité et d’écoute des besoins des citoyens partout au pays, compte tenu des particularités indéniables de chacune de ses régions. Ce principe d’équilibre régional dans la gestion des affaires publiques est connu aujourd’hui de tous et adopté par les grandes économies avancées de ce monde. Car, il permet aux décideurs de prendre des décisions plus adaptées, plus ciblée, mieux suivies et, en fin de compte, plus efficaces.
À titre d’exemple, je suis de ceux et celles qui crois intimement que si les gens du Tiris-Zemour étaient associés aux prises de décisions à la table du Conseil des Ministres, la route ATAR-TIJIGJA n’aurait probablement pas été priorisée sur celle d’ATAR-F’DÉRICK, et ce, pour plusieurs raisons.
D’abord, la Wilaya de Tiris-Zemour est la seule à être encore enclavée et isolée de la capitale Nouakchott. Il est donc inconcevable de prioriser le régional sur le capital et l’accessoire sur le principal. De plus, l’intérêt économique de cette route est, somme toute, objectivement marginal, voire inexistant, surtout à court et au moyen terme. En effet, les politiques de désenclavement doivent reposer essentiellement sur deux considérations : la densité des populations à desservir ou l’importance économique de la région visée.
Or, quoi que disent certains, Atar-Tijigja ne répond ni à l’une ni à l’autre de ces considérations. Mieux, la vision stratégique de cette route n’a de sens que si le Tiris-Zemour est complètement désenclavé. Et comme cerise sur le gâteau, cette route Atar-Tijigja, est la plus couteuse et la plus difficile à réaliser, compte tenu de son tracé montagneux et sablonneux excessivement pénibles à travailler, alors que celle d’Atar-F’Dérick a été tracée et remblayée par les français bien avant l’indépendance (la N-1) et, en partie, praticable encore aujourd’hui.
En conclusion, les gens du terroir de la région de Tiris-Zemour ont le droit, et même le devoir, à l’instar de tous les autres ailleurs au pays, d’exprimer leurs besoins et de sensibiliser les décideurs et l’opinion publique nationale à cet égard. Ces cris d’alarme, de cœur ou encore de désespoir, ne doivent en aucun cas être interprétés par les compatriotes dans le reste de la Mauritanie comme étant un rejet, une négation, une culpabilisation, encore moins un blâme en bonne et due forme. Au contraire, c’est tout simplement une forme d’appel au sens de l’équité; l’entraide mauritanienne, qu’on connait bien chez-nous comme une vertu et une valeur viscérale de notre culture et ciment de notre tissu social.
Maître Takioullah Eidda, avocat
Québec, Canada
23.04.14
quebec171[at]gmail.com
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23.4.14
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