23.5.17

LE MAROC VEND DES INVESTISSEMENTS QUI N`ENGAGENT QUE CEUX QUI Y CROIENT !


Nouvelle capitale au Sud Soudan, clinique au Mali, usine d’engrais en Éthiopie, banques en Côte-d’Ivoire, centre commercial au Sénégal, des promesses pour la Zambie, d’autres pour le Ghana sans laisser du reste le Madagascar et bien d’autres pays du continent.

Hé oui, depuis la mise en place de sa toute nouvelle stratégie africaine, à la conquête d’alliés dans le conflit du Sahara Occidental, le Maroc multiplie, tout azimut, les visites royales carnavalesques, accompagnées des annonces d’investissements pharaoniques.

Ces visites et ces annonces sont si pharaoniques et si invraisemblables au point de nous hypnotiser le regard face à la pauvreté endémique au Maroc, son sous-développement systémique et les soulèvements dans la région du Rif.

En réalité, cette manne économique promise à l’Afrique, n’engage que ceux qui y croient.
par Takioullah Eidda

Prenons l’exemple du dernier tam-tam, soit de la construction d’un gazoduc offshore entre le Nigéria et le Maroc, dont les coûts ne sont même pas encore connus. Mais pas seulement !

Long de 3000 km, le tracé de ce gazoduc traverse plusieurs pays, notamment le Benin, le Togo, le Ghana, le Sénégal, la Mauritanie et bien sûr le Sahara Occidental.

Aucun de ces pays n’a encore donné son aval à ce tracé et aucune étude d’impact ou de faisabilité n’a été réalisée à ce jour! Et n’en parlons pas de financement.

Pire, outre les problèmes sécuritaires que connaît le Nigéria, avec les sabotages récurrents des groupes «Boko Haram» et les «Vengeurs du Delta», ce qui compromet sérieusement le projet, le tracé traverse en outre le territoire du Sahara Occidental alors que celui-ci fait encore l’objet de la tutelle de l’ONU et son arbitrage entre les Sahraouis et Marocains.

Dans ces cas de figures, quel bayeur de fonds ou quel investisseur s’aventurera à financer un tel projet ?!

Et que dire du projet de l’usine d’engrais en Éthiopie, dont la réalisation nécessite plus de 3,7 milliards de dollars, alors qu’aucune étude d’impact ou de faisabilité n’a été réalisée à ce jour, encore moins un candidat investisseur ! D’ailleurs, ce projet fait l’objet de sérieuses réserves émises par plusieurs, y compris des potentiels bayeurs de fonds, compte tenu du fait que la majorité du phosphate marocain provient de la région de Boucrâa au Sahara Occidental.

Tout ça est trop beau pour être vrai, de sorte que certains commencent à se poser des questions et même émettre de sérieux doutes, à commencer par le très sérieux quotidien français «Le Monde» du 17 mai 2017 sous le titre: «Gazoduc Maroc-Nigeria: l’avenir de l’Afrique de l’Ouest ou chimère ?»

Toute cette offensive dans la précipitation démontre un certain amateurisme, pour ne pas dire un aveuglement sans borne de la part du Maroc. Si bien qu’il est à se demander si l’émotionnel, voire le délire, n’a pas pris le dessus dans les esprits des décideurs de ce pays dans la gestion du dossier du Sahara Occidental.

Pourtant, après presque 42 ans de guerre, de sacrifice financier, de bla bla, de contre vérité, de faux semblants, le problème du Sahara Occidental reste entier pour le Maroc. Je dirais au point de départ, pertes en sus !

Certes, le Maroc occupe toujours une grande partie du territoire. Mais à quel prix et devant quelle réalité?

Tout ce cirque en dit long à cet égard. Rien qu’en 2015-2016, les événements ont été sanglants pour lui et son prétendu droit territorial sur le Sahara Occidental.

Il y a d’abord le bras de fer avec le Secrétaire générale de l’ONU, Ban Kimoon, lequel a fini au désastre en reculons.

Puis, il y a l’Accord de libéralisation avec l’UE, lequel fut invalidé par toutes les instances de la Cour Européenne au motif que le Sahara Occidental ne fait pas partie du Maroc et que celui-ci l’occupe illégalement en attendant une solution onusienne.

Après c’est l’adhésion à l’Union Africaine et la reconnaissance expresse par le Maroc lui-même des limites de ses propres frontières héritées du colonialisme français, laquelle reconnaissance est accompagnée de l’acceptation de fait de la RASD, en tant qu’État, au sein de l’organisation africaine.

Et la cerise sur le gâteau, son retrait unilatérale avant-hier de Guergarete, alors qu’il a mobilisé toutes ses forces et équipements dans cette zone, et ce, au mépris de tout en chacun.

Alors … !!! Il est vraiment temps pour le Maroc de se ressaisir et de voir la réalité en face. Et quant à moi, la seule réalité objectivement prévisible et perceptible pour le Maroc, c’est de retourner à la table de négociation afin de trouver une solution juste et équitable qui permettra au peuple sahraoui d’exercer son droit légitime à l’autodétermination.

Car, quand il s’agit de trouver la paix, il n’est jamais trop tard et comme le disait le hadith «el roujoui ilâ elhaghi haghan (le retour à la vérité est une double vérité)».

Maître Takioullah Eidda, avocat
Montréal, Canada.
23.05.17
eidda.avocat[at]eidda.ca
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